Loi martiale : comment la Corée du Sud a sombré dans le chaos en une soirée

Allocution du président Yoon Suk-yeol à la télévision coréenne
Allocution du président Yoon Suk-yeol à la télévision coréenne (Anthony Wallace - AFP)

Voilà une nouvelle qui en aura surpris plus d'un ! Le président de la Corée du Sud, Yoon Suk-yeol, a proclamé, le mardi 3 décembre vers 23h (heure coréenne) la loi martiale prétextant devoir protéger le pays contre "les forces communistes nord-coréennes". Cette manœuvre n'aura convaincu personne et encore moins le Parlement, qui a forcé le président à lever la loi martiale quelques heures après son instauration. D’abord soutenu par son propre parti, Yoon Suk-yeol n’a cependant pas résisté à une seconde motion de destitution déposée par l’opposition. Désormais, son avenir politique dépend de la décision de la Cour constitutionnelle, qui devra se prononcer dans les mois à venir.

Allocution à la télévision

Le premier acte de cet épisode est survenu à 23h (15h heure française) lorsque le président, Yoon Suk-yeol, a pris la parole à la télévision nationale pour déclarer la loi martiale. D'après le président conservateur, cette mesure était destinée à "éliminer les éléments anti-étatiques" et "les menaces posées par les forces communistes nord-coréennes".

La vraie raison derrière ce choix concerne le projet de budget de l'année prochaine du pays discuté actuellement par le Parlement du pays et, qui serait beaucoup moins favorable au camp présidentiel. En effet, les députés de l'opposition ont réussi, à travers une commission, à faire approuver un programme budgétaire considérablement réduit.

"Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels, un repaire de dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes administratif et judiciaire et à renverser notre ordre démocratique libéral"

Yoon Suk-yeol

Allocution à la télévision nationale

Concrètement, que permet de faire la loi martiale au président sud coréen ?

Dans le décret publié et traduit en anglais par la chaîne locale KBS, il y est interdit toute manifestation, les télévisions et journaux passent sous le contrôle du commandement, mais surtout toute opposition politique est interdite et le parlement est suspendu. L'armée assure le maintien de l'ordre et donne au président les pleins pouvoirs.

Le chef de l'opposition sud-coréenne, Lee Jae-myung, a dénoncé la nouvelle loi martiale comme étant "illégale" et a appelé la population à se rassembler devant le Parlement en signe de protestation.

Déploiement de l'armée

Aussitôt la loi martiale annoncée, l'armée a commencé à se déployer dans les rues du pays et s'est dirigée vers la capitale, Séoul. Ainsi, militaires, véhicules blindés et hélicoptères de combat ont fait leur apparition dans la capitale pour la plus grosse surprise des habitants.

Le parlement n'y a pas non plus échappé, rapidement des militaires ont pris position autour du bâtiment où des députés étaient encore présents.

Les hélicoptères de l'armée se sont alors posés sur le bâtiment de l'Assemblée nationale et plus de 280 militaires ont essayé de rentrer de force. Mais face à eux, les députés et des habitants qui se sont rassemblés devant le bâtiment malgré l'interdiction ne se sont pas laissés faire et ont réussi à contenir la tentative de prise de contrôle. Les militaires ont réussi à rentrer brièvement dans le bâtiment avant d'en sortir.

Vote du Parlement contre la loi martiale

Le Parti démocrate (parti d'opposition) a demandé à tous ses membres de se rassembler pour une réunion de crise. Cette formation a remporté les dernières élections législatives et compte plus de la moitié des sièges dans le Parlement coréen.

Ainsi, dans la nuit coréenne, les 190 députés, sur 300, qui ont réussi à entrer dans le bâtiment, ont voté à l'unanimité contre la loi martiale, y compris 18 membres du camp présidentiel. Ce vote est censé contraindre le président, Yoon Suk-yeol, à retirer sa loi, d'après la constitution du pays.

Un scrutin validé par le président du Parlement qui, contraint théoriquement le chef de l'Etat à revenir en arrière. La Constitution affirme que "le président doit immédiatement informer de la déclaration de la loi martiale à l'Assemblée nationale et si l'Assemblée nationale demande son annulation avec la majorité des voix des élus, le président doit la lever" rappelle l'agence de presse Yohnap.

Le président du Parlement sud-coréen a également ajouté : "Tous les soldats qui appliquent encore la décision de la loi martiale seront jugés pour trahison."

L'armée a alors quitté le bâtiment mais a réaffirmé qu'elle continuerait a appliquer la loi martiale tant que le président ne l'a pas levée.

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Hémicycle de l'Assemblée de Corée du Sud lors du résultat du vote annulant la loi martiale

Retrait de la loi martiale et de l'armée

Plus de 3 heures après le vote de la levée de la loi martiale, Yoon Suk-yeol a décidé de lever la loi martiale et de retirer l'armée. Sa côte de popularité étant déjà basse, cet événement n'a fait que d'augmenter la défiance en son encontre. L'opposition, comme son propre parti, appellent à sa démission et les syndicats du pays appellent, eux, à une grève illimitée tant que le président sera toujours en poste.

"Il y a eu une demande de l'Assemblée nationale pour lever l'état d'urgence, et nous avons procédé au retrait des militaires qui avaient été déployés pour les opérations de loi martiale"

Yoon Suk-yeol

lors d'une nouvelle allocution à la télévision

Première motion de destitution

Les partis d'opposition ont annoncé mercredi le dépôt d'une motion de destitution contre le conservateur, après sa tentative ratée d'imposer la loi martiale. "Nous avons soumis une motion de destitution préparée en urgence" ont déclaré les représentants des six partis d'opposition dont le Parti démocrate lors d'une conférence de presse.

Pour que cette motion de destitution soit adoptée, il faut que deux tiers des députés, soit 200 députés sur les 300, votent en faveur du texte. Selon la loi sud-coréenne, la motion doit être votée entre 24 et 72 heures après sa présentation lors d'une session parlementaire, ce qui signifie qu'elle pourrait être votée dès ce vendredi.

Le principal parti d'opposition, le Parti démocrate, a également déposé une plainte pour "insurrection" contre le président, certains de ses ministres et de hauts responsables militaires et policiers, passible d'une peine de réclusion à perpétuité, voire de mort.


  • Vendredi 6 décembre 21h30

La motion de destitution visant le président en exercice n’a pas abouti, le nombre de voix recueillies s’élevant à 195, soit en deçà des 200 nécessaires. Ce rejet s’explique par l’abstention du parti présidentiel (PPP), qui aurait "obtenu" en contrepartie l’engagement de M. Yoon à se retirer et à déléguer la gestion du pays à son parti et au Premier ministre.

Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur, Lee Sang-min, a annoncé sa démission, tandis que le président a été frappé d’une interdiction de quitter le territoire sud-coréen. De son côté, l’ancien ministre de la Défense, Kim Yong-hyun, en poste durant la loi martiale, a été arrêté dimanche matin.

Face à cet échec, le principal parti d’opposition a déclaré qu’il lancerait une nouvelle procédure de destitution.

Seconde motion de censure

Une semaine après l’échec de la première tentative, une seconde motion de destitution a été adoptée ce samedi 14 décembre. Avec 204 voix pour, 85 contre, 3 abstentions et 8 bulletins nuls, le Parlement sud-coréen a démis le président, Yoon Suk-yeol, de ses fonctions. Cette décision reste provisoire, en attendant la validation ou le rejet de la destitution par la Cour constitutionnelle, qui dispose de 180 jours pour statuer. D’ici là, le Premier ministre, Han Duck-soo, assumera la direction du pays à titre intérimaire.

À l’extérieur, l’annonce des résultats a provoqué une explosion de joie parmi les 200 000 Sud-Coréens rassemblés pour suivre l’événement.

Le président par intérim destitué par le Parlement

Nouveau rebondissement sur la scène politique sud-coréenne : le Parlement a voté la destitution du président par intérim, Han Duck-soo. Celui-ci est accusé d’avoir « activement participé à une insurrection » et de bloquer intentionnellement la nomination de trois des neuf juges de la Cour constitutionnelle, actuellement vacants.

Cette stratégie aurait pour but d’entraver la procédure visant à confirmer la destitution du président Yoon Suk-yeol. En effet, la validation définitive de cette destitution nécessite un vote favorable des deux tiers des juges de la Cour constitutionnelle. Or, en raison des sièges vacants, cette majorité est actuellement impossible à atteindre sans un vote unanime des juges en place, compliquant ainsi la tâche de l’opposition, pourtant majoritaire au Parlement.

En attendant que la Cour se prononce, c'est au ministre des Finances, Choi Sang-mok, que revient la charge d'assurer par intérim la présidence du pays.

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