« Le moment de vérité » : les annonces de François Bayrou pour le budget 2026

Le Premier ministre a annoncé ses orientations pour le budget 2026 ce mardi 15 juillet
Le Premier ministre a annoncé ses orientations pour le budget 2026 ce mardi 15 juillet (Thomas Samson - AFP)

« Il est des moments dans l’histoire des peuples où ils ont rendez-vous avec eux-mêmes », déclare le Premier ministre en ouverture de son discours, avant d’alerter : « cela fait 50 ans que notre pays n’a pas présenté un budget à l’équilibre ». Alors que la dette de la France dépasse désormais les 3 300 milliards d’euros, et que chaque seconde qui passe « la dette de la France augmente de 5 000 euros », François Bayrou présente deux plans successifs. Le premier, intitulé Stop à la dette, vise à réaliser 43 milliards d’euros d’économies. Le second, En avant la production, doit relancer l’économie française.

« Stop à la dette »

Il s’agit, selon lui, d’un plan pluriannuel sur cinq ans pour revenir progressivement à l’équilibre. L’objectif est de stopper l’accroissement de la dette d’ici quatre ans, en réduisant le déficit à 5,4 % en 2025, 4,6 % en 2026, 4,1 % en 2027, puis 3,4 % en 2028, pour atteindre 2,8 % en 2029. « C’est le seuil à partir duquel la dette n’augmente plus », affirme-t-il.

Ce plan passe avant tout, pour le Premier ministre, par la stabilisation et la baisse de la dépense publique. Tout le monde devra participer à l'effort sans que ça n'affecte le travail et les entreprises. Aucune baisse de salaire dans la fonction publique ou dans les retraites n'est à prévoir dans le budget.

L'année 2026, pour laquelle le budget est prévu, porte des réductions de dépenses, non pas de 40 milliards d'euros, comme il était annoncé de base, mais de 43,8 milliards pour prendre en compte les nouvelles dépenses prévues par le président de la République dans les armées.


Le premier acteur affecté par ses mesures est l'État :

  • Aucune nouvelle dépense en 2026 par rapport à 2025. « l'État se fixe comme première règle de ne pas dépenser davantage à l'euro près en 2026 qu'en 2025 » à l'exception de la Défense et de la charge de la dette. Aucun ministère n'est épargné par cette mesure.
  • 3 000 postes seront supprimés en 2026 dans la fonction publique, en épargnant les postes des nouveaux professeurs.
  • Les administrations ne devront plus remplacer 1 fonctionnaire sur 3 qui part à la retraite, pour les prochaines années.
  • Le patrimoine, qui compte des dizaines de milliers de bâtiments, pour un montant de « centaines de milliards » va aussi être mis à profit. Une société foncière va être créée pour gérer ces bâtiments et les vendre quand c'est possible et nécessaire.
  • Une réduction des parts de l'État dans certaines entreprises sans en réduire son influence.
  • Des « agences improductives qui dispersent l'argent de l'État » vont être aussi supprimées, en s'appuyant sur le travail sénatorial en cours. Des fusions pourront être opérées pour concentrer les budgets ou l'État réinternalisera certaines de ces actions. Cela pourrait coûter le poste de « 1000 à 1500 » personnes.


Les collectivités vont devoir consentir à quelques efforts :

  • Leurs dépenses ne dépassera pas la progression des ressources de la nation. Pour ce faire, Le DILICO, qui avait été crée lors du budget 2025 et, qui permet de faire participer les collectivités au redressement des comptes publics en ponctionnant 1 milliard d'euros des recettes fiscales des collectivités locales.
  • Les financements apportés par l'État aux collectivités seront régulés
  • en contrepartie, une aide exceptionnelle de 300 millions d'euros sera accordée aux départements les plus en difficulté.


Les dépenses sociales, qui prend en compte notamment le système de santé et les retraites, connaît une dérive chaque année des dépenses. « Si nous ne faisons rien, cette dépense augmentera de 10 milliards ». Le Premier ministre propose de réduire de moitié cette dépense, via plusieurs mesures d'économies :

  • Quand une personne achètera des boîtes de médicaments, la somme totale additionnée sera plafonnée à 100 euros par an au lieu de 50 euros actuellement. « Pour ceux qui consomment le plus de médicament, une dépense de l'ordre de 8 euros de plus par mois »
  • La mise au point définitive du dossier médical partagé, dans lequel chaque personne aura la totalité des examens qu'il a reçu, dans le but le médecin suivant puisse savoir à quelle pathologie il peut avoir à faire. Ce dossier médical partagé sera appuyé par l'Intelligence Artificielle pour prévenir les possibles problèmes à venir.
  • Une sortie du remboursement à 100 % des médicaments qui sont « sans lien avec l'affection déclarée »
  • Sortie du statut d'affection de longue durée « lorsque l'état de santé ne le justifie plus »
  • une plus grande efficacité sur l'achat sera demandé pour les hôpitaux.
  • Les fauteuils roulants, les cannes anglaises et tout le matériel utilisé pour une personne pourra être réutilisé après que la personne n'en ait plus besoin
  • Une fin des abus des arrêts maladie. Au delà de 30 jours d'arrêt, et à l'exception des accidents du travail et des maladies professionnelles, une consultation du médecin généraliste ou spécialiste suffira pour reprendre le travail

Toutes ces mesures, qui concernent l'État, les collectivités et les dépenses sociales vont permettre d'économiser aux alentours de 21 milliards d'euros.


D'autres mesures doivent alors être prises pour permettre d'atteindre l'objectif des 43.8 milliards d'économies.

  • La première d'entre elle est « l'année blanche ». Aucune prestation ou barème ne sera augmenté pour l'année 2025, les montants seront ceux de 2025. Cette mesure concerne le RSA, APL, prime d’activité, retraites… Le Premier ministre motive cette « année blanche » par la « presque disparition de l'inflation », qui est « prévue cette année à 1 % ou un peu moins de 1 %. »
  • Aucune revalorisation générale ou catégorielle ne sera dans les ministères. Cependant, les promotions de postes ne seront pas bloquées pour que « tout travail soit pris en compte et valorisé. »
  • « Les barèmes de l'impôt sur le revenu et de la Contribution sociale généralisée seront eux aussi maintenus à leur niveau de cette année. »

Ces trois décisions devraient permettre de contenir pour 7 milliards d'euros de dépenses sur l'année 2026.

Il a aussi été annoncé une accentuation des mesures contre les fraudes ainsi que des modifications liées aux calculs de certains impôts.

  • La détection des fraudes sera améliorée et le recouvrement de celles-ci. « En 2024, 16.6 milliards de fraudes ont été détectées, mais seulement 11 milliards ont été recouvrés. »
  • Tous les types de fraudes seront concernés : la fraude fiscale, la fraude aux aides publiques (MaPrimeRénov', Mon Compte Formation, la fraude à la dépense de santé). Un projet de loi dans ce sens sera déposé en automne par le gouvernement.
  • Certaines niches fiscales vont être revues pour « prendre une plus grande part de la solidarité », notamment celles qui profitent d’abord aux ménages les plus aisés et aux grandes entreprises.
  • L'abattement de 10 % pour le calcul de l'impôt sur le revenu des retraités ne sera plus exprimé en pourcentage, mais via un forfait annuel, qui sera fixé à 2 000 €, et qui a pour but de ne pas toucher aux petites et moyennes retraites.
  • Une contribution de solidarité sera créée et qui sera définie par les commissions dédiées des deux assemblées, et qui aura pour but de faire participer à l'effort national, les plus haut revenus.
  • Des mesures seront prises pour lutter contre « l'optimisation abusive des patrimoines non-productifs »


Toutes ces mesures poursuivent un objectif clair : « Demander peu à ceux qui ont peu et plus à ceux qui ont davantage ». C’est ainsi que François Bayrou conclut la présentation de sa première partie de plan, en affirmant qu’il s’agit là de l’ensemble des leviers nécessaires pour sortir durablement de la spirale de l’endettement.

« En avant la production »

La deuxième partie du plan, vise à reconquérir la capacité de production en France. François Bayrou affirme : « Si notre production était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n’aurions plus de déficit budgétaire, et nos concitoyens qui gagnent 2 000 euros par mois approcheraient les 2 500. » Pour y parvenir, il appelle à une véritable réconciliation du pays avec le travail, et plus encore avec l’épanouissement au travail.

  • Deux jours fériés seront supprimés pour tout le monde, avec comme exemple le Lundi de Pâques et le 8 mai. Ces jours supprimés peuvent être amenés à être changé. Ce changement permettra de rapporter plusieurs milliards d'euros à l'État.
  • « Augmenter la part des concitoyens qui travaillent. Faire en sorte que ceux qui le veulent puissent travailler davantage et que tous travaillent dans de meilleures conditions. » Le taux de chômage qui est à 7 % et la quantité d'emplois non pourvu sont dans le collimateur du gouvernement . Les jeunes et les seniors sont les plus touchés.
  • Dans les prochains jours, deux nouveaux chantiers seront proposés aux partenaires sociaux : un sur l'assurance-chômage, « dont beaucoup d'analyse indique qu'elle porte une responsabilité dans son organisation actuelle », et un sur le droit du travail, pour améliorer les conditions de travail pour tous et faciliter les recrutements.
  • Un projet de loi sera envoyé au Parlement à la fin de l'année, créant une « allocation sociale unifiée », afin de permettre de mettre la priorité sur le travail.
  • Les femmes, qui ont eu leur carrière bousculée par une grossesse ainsi que la pénibilité seront pris en compte pour les retraites.
  • Le financement du système social doit moins reposer sur le travail et il faut trouver d'autres bases pour le financer.


La simplification administrative occupe également une place centrale dans le discours du Premier ministre. Pour François Bayrou, il est indispensable « d’alléger et de simplifier toutes les mesures bureaucratiques, qui asphyxient non seulement les entreprises, mais aussi les foyers, les personnes, les artisans, par exemple ». Il rappelle qu’un rapport du Sénat estime à 211 milliards d’euros le montant que l’État consacre chaque année aux entreprises. Dans cette logique, il propose une nouvelle approche : « Moins de subventions contre plus de libertés ». Une orientation qui, selon lui, permettrait de réaliser plusieurs milliards d’euros d’économies, même s’il ne fournit pas de chiffres précis à ce stade.

Enfin, le dernier point abordé est celui de la compétitivité. Il faut améliorer la capacité, l'efficacité et l'attractivité de notre économie.

  • « Nous devons permettre aux industriels de bénéficier d'accords qui réduisent leur exposition à la volatilité des prix » avec un objectif à 30 TWh de contrat d'ici la fin de l'année, soit 10 % de la production nucléaire.
  • « Nous consacrerons 900 millions d’euros de financement en fonds propres supplémentaires à l’investissement dans les entreprises. »
  • L'État va renforcer les sanctions à l'égard des débiteurs en cas de retard de paiement de ces créances. « Ils représentent aujourd'hui, quelque 15 milliards d'euros de trésorerie ». Ces sanctions pourront aller jusqu'à 1 % du chiffre d'affaires des entreprises.
  • Pour réduire les importations sur le sol national, le gouvernement va étudier toutes les filières déficitaires et trouver les produits les plus propices à une relocalisation sur notre sol. Il faudra aussi soutenir les filières d'excellence pour qu'elles restent.
  • Une nouvelle taxe va être proposée sur les « petits colis afin de protéger nos commerces et nos producteurs de la marée de concurrence déloyale qui les assaillent »
  • Un plan « Osez l'IA » sera mis en place pour accélérer les investissements dessus. L'intégration de l'IA dans les entreprises pourra augmenter jusqu'à 20 % les gains de productivité. « Nous orienterons davantage les financements de France 2030 vers les secteurs prioritaires de l'intelligence artificielle et du cyber. »


À travers ce discours, le Premier ministre a tenu à « permettre à tous de juger la gravité de la situation ». En conclusion, François Bayrou a insisté sur l’ouverture de sa démarche : « Ce plan, s’il est perfectible, nous ne demandons qu’à le perfectionner. Toutes les idées seront examinées, qu’elles proviennent des partis politiques, des groupes parlementaires, du Conseil économique, social et environnemental, des partenaires sociaux, des collectivités territoriales ou des citoyens de notre pays. »

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