Attentats de janvier 2015 : Une nation unie face à la barbarie

Dans la rue Nicolas Appert, une fresque en hommage aux membres tués de la rédaction de Charlie Hebdo a été installé
Dans la rue Nicolas Appert, une fresque en hommage aux membres tués de la rédaction de Charlie Hebdo a été installé (Olivier Corsan - Le Parisien)

En l'espace de trois jours, une vague de terreur secoue le pays, frappant en plein cœur la liberté d'expression et laissant derrière elle un bilan tragique. Face à l'indicible, la nation entière se lève dans un élan de solidarité sans précédent, porté par le cri universel : Je suis Charlie. Retour sur ces événements marquants, du choc initial à la mobilisation historique, et sur la manière dont Charlie Hebdo a su renaître malgré la douleur.

Attaque de Charlie Hebdo

Ce 7 janvier 2015, à 11h20, deux individus arrivent rue Nicolas Appert, à bord d'un véhicule noir. Kalachnikovs à la main, ils croisent Frédéric Boisseau, responsable d'une équipe de maintenance, et lui demandent où se trouvent les locaux de Charlie Hebdo, avant de le tuer. Il devient ainsi la première victime de cette journée tragique.

Les assaillants rencontrent ensuite Corinne Rey, dite "Coco", illustratrice du journal, qu'ils contraignent à entrer le code d'accès de l'immeuble abritant la rédaction. Parvenus au deuxième étage, ils font irruption dans la salle où l'équipe tient sa première réunion de l'année. Ils ouvrent alors le feu, assassinant Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, Elsa Cayat, Bernard Maris, le policier Franck Brinsolaro chargé de la protection de Charb, le correcteur Mustapha Ourrad, ainsi que Michel Renaud, invité de la rédaction ce jour-là.

Les terroristes blessent grièvement Simon Fieschi, webmaster du journal, ainsi que le dessinateur Riss et les journalistes Philippe Lançon et Fabrice Nicolino. En prenant la fuite, ils croisent le policier Ahmed Merabet, qui tente de les arrêter. Les deux hommes l'abattent froidement avant de crier : "On a vengé le prophète Mahomet, on a tué Charlie Hebdo." Une vaste chasse à l'homme est alors déclenchée pour retrouver les assaillants et prévenir de nouvelles violences.

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Les 12 victimes des attentats de Charlie Hebdo, (de gauche à droite, de haut en bas) Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous et Wolinski (Polifra)


  • 12h30

Le président de la République François Hollande et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve se rendent sur place. Devant les médias, le chef de l'État déclare : "Un acte d'une exceptionnelle barbarie vient d'être commis, ici à Paris, contre un journal. [...] La France est aujourd'hui face à un choc, celui d'un attentat contre un journal menacé et protégé. Dans ces moments, il faut faire bloc et montrer l'unité du pays."

Le soir même, des rassemblements spontanés se tiennent partout en France et sur les réseaux sociaux, en soutien à Charlie Hebdo. De nombreux participants brandissent des affiches, téléphones et tablettes affichant le slogan devenu viral : "Je suis Charlie". À l'étranger, des manifestations de solidarité se multiplient également face à ce qui demeure l'une des attaques terroristes les plus marquantes en France depuis des décennies. Le lendemain, la presse nationale et internationale titre massivement en soutien au journal endeuillé.

Nouvelles attaques et recherche des terroristes

Le lendemain de l'attaque au matin, une fusillade éclate à Montrouge, dans le sud de Paris. Deux policiers municipaux sont touchés, dont Clarissa Jean-Philippe, qui succombe à ses blessures. À ce stade, l'identité de l'auteur du crime reste inconnue.

Au même moment, l'identité des assaillants de l'attentat de Charlie Hebdo est révélée : Chérif et Saïd Kouachi. Les deux frères sont localisés à 80 kilomètres de Paris, à Villers-Cotterêts, dans l'Aisne, après qu'ils aient attaqué une station-service. Malgré un important dispositif de sécurité, la traque reste infructueuse ce jour-là.

Double assaut et dénouement

  • 9h

Une dépêche AFP annonce que les frères Kouachi sont retranchés dans la zone industrielle de Dammartin-en-Goële. Ils se sont enfermés dans une imprimerie, retenant en otage le directeur de l'établissement. Celui-ci parvient à cacher un employé sous un évier du réfectoire pour le protéger.


  • 13h

L'impensable se produit, une nouvelle prise d'otages survient dans un supermarché Hyper Cacher à la porte de Vincennes, à Paris. L'assaillant, identifié comme Amedy Coulibaly, est également l'auteur du meurtre de Clarissa Jean-Philippe la veille. Rapidement, un lien est établi entre Coulibaly et les frères Kouachi, qui agissent de manière coordonnée. Coulibaly réclame la libération des frères Kouachi en échange de celle de ses otages.


  • 16h53

Un assaut est lancé sur l'imprimerie : les forces spéciales font exploser les portes et neutralisent les frères Kouachi après un échange de tirs. Aucune victime n'est a déplorer chez les policiers ni chez les victimes. L'employé caché dans le réfectoire de l'imprimerie y passera 8 heures avant de pouvoir ressortir.

Tout s'accélère aussi du côté de la Porte de Vincennes, l'assaut doit être lancé rapidement pour protéger la vie des otages présents dans le magasin. Il est alors demandé aux journalistes de ne plus diffuser d'images en direct des alentours du lieu pour éviter de donner des informations sur l'opération qui se prépare. 


  • 17h12

L'assaut est donné, la BRI se positionne sur la porte arrière du magasin pour y faire diversion en explosant la porte tandis que le RAID prend position autour de l'entrée principale et fait lever le rideau métallique qui ferme le magasin. La diversion fonctionne parfaitement étant donné que Coulibaly est occupé à l'arrière du magasin à tirer sur les membres de la BRI. Lorsqu'il se rend compte que les membres du RAID sont en train de rentrer de l'autre côté, il se retourne et fonce vers eux, arme à la main et se fait sèchement abattre. 

Ne connaissant pas le nombre exact de terroristes, le RAID prend alors d'assaut le magasin et fait sortir les otages. Sur les 26 otages, 4 ont été froidement tués pendant la première heure de la prise d'otage. Philippe Braham, 45 ans et père de 4 enfants, Yohan Cohen, 20 ans et employé de l'Hyper Cacher, Yoav Hattab, 21 ans, mort en tentant de s'emparer de l'arme du terroriste et François-Michel Saada, père de famille de 63 ans sont alors retrouvés inanimés dans le magasin.

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L'assaut est donné par le RAID, le rideau métallique se lève. À l'arrière, la BRI fait diversion (Capture d'image France 2)

Unie contre la barbarie

Près de 4 millions de Français, dont 1 million et demi à Paris, descendent dans les rues pour dire non au terrorisme. Paris devient, l'espace de quelques heures, la capitale du monde. Près de 50 chefs d'État étrangers se joignent à cette marche historique pour afficher leur soutien à la France dans cette épreuve tragique. L'enjeu sécuritaire de l'évènement est immense : des tireurs d'élite sont déployés sur les toits, des hélicoptères survolent la capitale, et des dizaines de fourgons de CRS bouclent le périmètre. Plus de 3000 policiers et militaires encadrent l'événement et reçoivent les acclamations chaleureuses de la foule.

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La ligne des chefs d'Etats est précédée par un cordon de sécurité important (Yves Herman - Reuters)


Face à l'attentat qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo, une question persiste : quel avenir pour le journal ? Privée de locaux, de matériel et durement marquée par les pertes humaines, l'équipe survivante trouve refuge dans les bureaux du journal Libération. Malgré le choc et la pression médiatique, un numéro historique intitulé "Tout est pardonné" voit le jour, arborant une couverture de Luz représentant un Mahomet en larmes tenant une pancarte "Je suis Charlie". 

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La une du premier numéro de Charlie Hebdo après l'attaque terroriste contre le journal (Charlie Hebdo)

Ce numéro exceptionnel, tiré à plus de 8 millions d'exemplaires sous haute surveillance, est rapidement épuisé chez les marchands de journaux. Le symbole qu'il incarne entraîne une vague massive de soutien, faisant grimper le nombre d'abonnés de 15 000 à 260 000 en quelques semaines.

10 ans après

Évidemment qu'il fallait de nouveaux locaux encore plus sécurisés pour la nouvelle rédaction de Charlie Hebdo, c'est pourquoi la nouvelle adresse est tenue secrète. Seuls les agents de sécurité, les employés ou bien les policiers qui protègent les alentours des locaux connaissent la localisation précise des nouveau bureau de Charlie Hebdo. À l'intérieur, plus aucune fenêtre ne donnent sur l'extérieur et une pièce blindée a été ajoutée afin de pouvoir se réfugier en cas d'une nouvelle attaque. De plus, un code est connu par les employés et sert en cas de danger pour avertir tout le monde. L'accès à la rédaction est rigoureusement contrôlé par des sas sécurisés, des portes spéciales et des ascenseurs renforcés.

"Le niveau de sécurité qui a été adopté est celui d'une ambassade en milieu sensible"

Frédéric Aureal

Ancien chef du service de la protection

Le dispositif comprend également une augmentation significative des agents de sécurité, des itinéraires sécurisés pour les déplacements du personnel et des véhicules blindés à disposition. Entre 70 et 80 policiers assurent en permanence la protection des locaux et des membres de la rédaction.

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L’équipe de Charlie Hebdo, photographiée le 26 mars 2024. Depuis cette date, on a appris le décès de Simon Fieschi, webmaster (debout, deuxième à gauche), qui avait été grièvement blessé dans l’attaque du 7 janvier 2015 (Joël Saget - AFP)

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